Leslie’s Art Gallery collection Digital Art (en ligne), 66-68, rue de Luxembourg, L-8140 Bridel (Luxembourg).
« Un Mondrian Aléatoire », encodé selon un algorithme mathématique par Mike Lawrie. ©DR
< 30'04'08 >
Passer l’art à la machine

Mondrian revisité, Mondrian ressuscité, Mondrian codé. « Mondrian Composition », sous-titré « Composition avec jaune, bleu et rouge de Piet Mondrian revisité en JavaScript », est un programme qui génère une version aléatoire de l’œuvre originale de Mondrian datant de 1921, en fonction de quelques règles qui permettent d’assurer un résultat raisonnable de composition.

Cette version open source (disponible ici) d’un jeune chercheur passé d’un diplôme d’informatique à l’université de Toronto à la School of Image Arts de l’université de Ryerson (au Canada), est en ligne depuis mars sur le site de la Leslie’s Art Gallery de Bridel (Luxembourg), dans sa collection « Digital Art ». Mike Lawrie n’en est pas à son premier logiciel artistique. Les œuvres de son portfolio se définissent autour d’une esthétique de l’algorithme et des processus aléatoires autonomes comme en témoignent « Synth », programme hybride construit avec Processing, mi-jeu mi-synthétiseur, qui permet aux utilisateurs de créer de la musique dans un environnement 2D, sur un mode original et intuitif.

Les compositions abstraites et géométriques de Piet Mondrian (1872-1944) « se prêtent facilement à une création autonome par ordinateur », rappelle la galerie luxembourgeoise. En effet, plus on élimine la notion de hasard en délimitant clairement les contraintes de la création artistique, plus il est aisé d’encoder le processus artistique en un algorithme mathématique. Et ce n’est pas le premier des programmes conçus autour de l’œuvre avant-gardiste du peintre néerlandais. En 2003 déjà, J. Ink,, webdesigner, s’était lancé un défi : réduire la théorie artistique de Mondrian en un programme Flash de moins de 5 Ko. Son programme, le « Mondrian Randomizer » (re)produit aléatoirement, au même titre que le programme JavaScript de Michael Lawrie, des compositions jaunes, bleues et rouges cernées par les célèbres lignes noires sur fond blanc du maître du néoplasticisme. Une façon d’explorer cette notion essentielle dans le travail de Mondrian, qui veut que des éléments simples, une fois assemblés, suffisent à créer une composition forte. En 2004, C.J. Yeh utilisait le même principe graphique pour visualiser un formulaire de données personnelles : taille, couleur des yeux et des cheveux, âge, revenus annuels, situation familiale… Hébergé par la plate-forme d’art numérique Rhizome, « myData = myMondrian » convertit les données d’un formulaire rempli par l’internaute en une composition unique, composant un Mondrian tout ce qu’il y a de plus personnalisé !

La corrélation entre programme et art contemporain, certains artistes la revendiquent, explique le critique Maurice Fréchuret dans son livre « La machine à peindre » en 1994. Le rêve d’Andy Warhol de « peindre comme des machines », de procéder de la manière la plus inanimée possible et de fabriquer des œuvres issues d’une mécanique qui ferait glisser la création vers le point d’affect zéro, serait-il devenu réalité ? N’importe quel programmeur pourrait aujourd’hui écrire un algorithme Roman Opalka sachant compter de « 1 à ∞ » en incorporant dans son code source les contraintes liées à la dimension de la toile, la taille du pinceau et des nombres ou encore l’ajout successif des 1% de blanc dans le fond de peinture noire…

Largement diffusées sur le réseau et résolument numériques, ces œuvres ne sont plus tout à fait du net-art mais du software art. Le programme dépasse son rôle de simple outil, pour devenir lui-même la création. Depuis janvier 2003, les artistes Amy Alexander, Olga Goriunova, Alex McLean et Alexei Shulgin tiennent à jour avec Runme une base de données de cet art du code qui module son esthétique en fonction du (ou des) éléments qui les composent et de la (ou les) manière(s) d’assembler lesdits éléments. La référence ultime ? La notion d’« œuvre permutationnelle » énoncée par Abraham Moles dans « Art et Ordinateur ».

aude crispel 

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