« Demi-valeurs », Virginie Poitrasson (éd. de l’Attente, déc. 2007), lecture performance par l’auteur, en compagnie de Pierre Hild pour « Moondog Légende », Jérôme Game pour « Flip-Book », le 25/01, à 20 h, librairie L’Atelier, 2 bis rue du Jourdain, Paris 20e.
« blossom-entrelacs », poème visuel publié sur le blog de la poète Virginie Poitrasson. © DR
< 25'01'08 >
Pas de demi-ton pour Virginie Poitrasson

La poésie, un genre culotté ? C’est ce que les textes de Virginie Poitrasson, impromptus, scandés et abrupts, laissent entendre. Son troisième livre, « Demi-valeurs », prouve que la poésie est non seulement bien vivante, mais aussi très concernée par ce qui l’entoure. Ici, aucun lyrisme mais « une contrefaçon du lyrisme », pour une poésie de l’urgence, rythmée, drôle et fortement érotisée, où il est question du corps féminin et de ses rapports avec le corps masculin, bien sûr, mais aussi de la violence des images médiatiques... Sur de tels sujets, l’auteure, née en 1975, poète, performeuse et traductrice de plusieurs poètes de l’école expérimentale américaine L=A=N=G=U=A=G=E (Charles Bernstein, Lyn Hejinian), s’en tire avec légèreté et désinvolture, car : « c’est en roue libre / que je circule / affranchie / loin des emmerdements / comme vous y allez ! / et jusqu’au bout / je vais me gêner / le détournement a / sa valeur ».

Experte en détournements, Virginie Poitrasson intervient aussi bien dans les festivals de poésie sonore que de performances, travaille avec des vidéastes ou des plasticiens, écartant toute conception figée de la poésie. « Si c’était juste du graphisme ? », se demande-t-elle. Dans ses livres, elle mêle allègrement les registres et les tons, et passe de la valeur colorée à la valeur boursière, ou de la pure réflexion sur le langage au registre franchement érotique. Loin des clichés, le corps de la femme est un « grand corps pigeonnant » plein de « cavernes encombrées » ; pas non plus l’extase du côté des rapports hommes-femmes, en langage politico-économique, ça donne : « pour tout rapport / quelle aliénation ? / pourcentage de désintéressement / fond neutre / et encore neutre / ma valeur / le démantèlement de la tienne ? » Plus audacieuse encore, cette façon dont elle franchit les limites, glissant (avec humour !) du corps jouissant au corps mutilé et du rapport sexuel à la violence de la torture dans les camps de guerre (Camp Echo, et implicitement, Abou Ghraib). Mais le grand intérêt du livre, c’est toute cette réflexion sur l’image (« car l’image nous a captifs »), et sur ce que nous balancent les écrans de télévision : « nous sommes bien en prison / les néons colorés / restent suspendus / pour quel désir ? / serait-ce ça la virtualité ? ».

Ce soir à la librairie de l’Atelier, à Paris, Virginie Poitrasson lira des extraits de « Demi-valeurs », en compagnie de deux autres auteurs des Editions de L’Attente, Pierre Hild pour « Moondog Légende », Jérôme Game pour « Flip-Book ».

Pop’bonus

A écouter, un enregistrement de « la langue-excroissances », texte plus ancien qui vient d’être publié en CD par la revue « 22mdp » :

Deux poèmes extraits de « Demi-valeurs », où la violence des images de corps morcelés, disloqués s’introduit jusqu’à nous :

« espaces

en public

en privé

qu’est-ce qui vient

délimiter ? cette nouvelle forme

de discipline

suspendre ?

corps asymétriques

enchaînés

pour interrogatoires

relier ?

vers notre démantèlement

avec ce ton accrocheur ! »

« malaxé malaxé

pour peu broyé

cadence de la torture

une tête rasoir

à raser à blanc

et j’écrase

talon aiguille

dedans

y mettre lâchement

les dents

sans plus rabattre son clapet

et vlan ! quelle saloperie ! »

marion daniel 

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