« Paranoid Park », un film de Gus Van Sant. Sortie le 24/10. Bande originale publiée par UWE.
Gus Van Sant a soigné la bande son de "Paranoid Park". © DR
< 24'10'07 >
« Paranoid Park », une BO mentale

Aujourd’hui sort le très attendu « Paranoid Park » de Gus Van Sant, cinéaste désormais culte (d’« Elephant », à « Gerry » en passant par « My own private Idaho »...) et passé maître dans l’utilisation des sons et de la musique, à l’instar des grands maîtres asiatiques. Plutôt que d’en faire la critique, poptronics se penche sur l’univers sonore du film. Car oui, le cinéma est aussi l’art du son. Inutile pour s’en convaincre (ouf !) de relire les essais de Michel Chion sur la question, il suffit d’aller voir ce film.

Gus Van Sant, en cinéaste plasticien qui aime jouer avec la matière et se saisir des possibilités formelles pour créer de la dramaturgie et surtout du sens, sollicite autant l’œil que l’oreille. Le segment récent de sa filmographie (depuis « Gerry », en 2002) recèle quelques séquences habituellement réservées au cinéma expérimental, par la place accordée à la musique et aux tentatives formelles qui en découlent. Dans « Elephant », le massacre final se déroulait sur fond de Beethoven, ce qui donnait à la scène une ampleur insoupçonnée par un effet de torsion du réel.

Dans « Paranoid Park », au creux du film, le jeune Alex prend conscience de l’accident qui a causé la mort accidentelle d’un gardien, une nuit, dans une gare de triage. Après avoir longtemps tourné autour d’une vérité qu’il n’ose s’avouer et qui, une fois dévoilée, lui ôterait un poids pesant de la poitrine, il prend une douche. Geste banal du quotidien mais très fort symboliquement puisque l’adolescent semble revivre la scène pour mieux l’isoler et la décrypter - sans omettre la connotation expiatoire. Gus Van Sant choisit d’accompagner cette séquence d’une pièce de Bernard Parmegiani, « Dedans Dehors » (1977).

Ce morceau de musique concrète est un bourdonnement progressant au rythme de la tempête qui habite le crâne de l’adolescent. Bruits de nature malade, essaim d’abeilles rendues folles, cris d’oiseaux, frottement de tissus puis rupture brutale, pendant qu’Alex se frotte le visage en plan serré : cette scène est tout à fait saisissante, comme un insert expérimental au sein d’un teen movie orienté skate. Point de bascule du film, elle illustre bien la méthode Gus Van Sant (secondé par l’ingénieur du son Leslie Shatz) : création de sonorités en trois dimensions et conception de la musique comme un commentaire de l’histoire.

La partie « sentimentale » de « Paranoid Park » (les rapports entre Alex et sa copine) est illustrée par des morceaux de Nino Rota, tandis que deux chansons d’Elliott Smith apportent la touche d’ambiguïté à cet ado un peu lisse. Le reste de la BO est à l’avenant (Menomena, Frances White, Robert Normandeau), nous reliant à des scènes d’un film souffrant de la comparaison avec « Gerry » (la musique d’Arvo Pärt y jouait un personnage à part entière) mais néanmoins passionnant.

benoît hické 

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< 1 > commentaire
écrit le < 14'11'07 > par < emilepal pwx hotmail.com >
Merci pour ces éclairages sur le titre de Bernard Parmegiani, véritable matière constituante au film. Cependant pouvez vous indiquer le titre exact de la pièce utilisé dans ce film.