Nuit Bleue, voyage en utopie sonore, les 6 et 7 juillet de 21h à 7h (ouverture des portes à 20h), tarifs : 14€ (le 6/7), 18 € le 7/7, pass deux nuits 24€.
www.nuit-bleue.com
Nuits bleues, édition 2006. © DR
< 06'07'07 >
Nuits bleues, très blanches

Deux nuits d’exception, dont on espère qu’elles ne seront pas trop fraîches et pluvieuses… Deux nuits où le son se fait espace, pour habiller une architecture d’exception elle aussi. La Saline royale d’Arc et Senans, patrimoine mondial de l’Unesco, n’est pas l’endroit le plus accessible de France. Proche de Besançon, mais perdue au milieu des prés, ce bâtiment chef d’œuvre de l’architecte Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806), le protégé de la maîtresse du roi Louis XV, la Du Barry, est représentatif de l’architecture utopiste, celle qui imaginait que les murs pouvaient servir à organiser la vie de meilleure manière.

Une utopie parfois limite, comme dans ces corps de bâtiments en arc de cercle abritant les salines royales, chargées de produire 60 000 quintaux de sel par an. Bâtiments des ouvriers, réservoirs d’eau, magasins et autres bâtiments de graduation sont placés autour d’une vaste étendue, convergeant vers la maison du directeur général, où une seule fenêtre permettait de surveiller tout ce petit monde. Le visiteur de cette forteresse industrielle, qui détonne à l’époque par son ambition et sa géométrie implacable, ressent très fortement le « poids » des pierres.

Pierre Henry, l’un des pères de la musique électro-acoustique, ne s’y est pas trompé qui propose une création, dans le cadre de ces deux Nuits bleues, intitulée « Utopia », en hommage à l’architecte visionnaire. Il installe une batterie de hauts-parleurs tout autour de la fameuse place pour 61 minutes d’une partition aux titres évocateurs : « équarrissage des piliers », « élévation des chapiteaux », « nouvelles machineries », etc. Malheureusement pour tous les amoureux de l’œuvre considérable de Pierre Henry, l’un des fondateurs de la musique concrète qui a influencé par ses créations aussi bien le rock progressif des années 60 que la techno des années 90, « Utopia » ne sera pas diffusée sur l’Internet, contrairement au reste du programme, à écouter sur le site de la manifestation, Nuit bleue et sur le site radio WNE (l’excellent radioblog des écoutes pointues).

Tant pis pour tous ceux qui ne pourraient pas s’allonger dans les transats et dormir sous la tente à Arc et Senans. Les spectateurs, eux, ne seront sans doute pas nombreux (900 l’an passé), mais chouchoutés par une programmation curieuse et ouverte sur les différentes tendances de la musique acousmatique, mélange de musique concrète, d’electronica, et d’électroacoustique.

Le son y est spatialisé, notamment dans l’acousmonium, pour permettre une immersion sonore puissante, et la musique se fait « interactive », mélangeant instruments traditionnels et lutherie électronique. La déambulation au sein des jardins de la Saline est, elle, « binaurale » : Pascal Rueff propose l’expérience de cette écoute 3D, due à une prise de son qui reproduit l’encodage naturel de l’audition humaine.

Entre deux concerts, l’installation visuelle de Michel Verjux sur la Saline, des films à voir et des rediffusions du meilleur des séances d’écoute de lL’atelier de création radiophonique de France Culture, comme la « topographie sonore, le col de Vence », de l’allemand Thomas Köner (diffusé en 2002, édité sur le label Mille Plateaux). L’artiste Michel Verjux propose que « le visiteur se retrouve tout autant regardeur que regardé. Que le dispositif nous permette de voir tout en étant vu, ou d’être vu en voyant d’où l’on nous voit ». Neuf sources lumineuses, plongeantes rasante et frontales, révèlent l’architecture et les recoupements. Pour créer un « dispositif synoptique, plutôt qu’un dispositif panoptique ».

Et pour rester dans la veine de cette sixième édition dédiée à l’utopie, il faudra tendre l’oreille aux nappes sonores d’un Carl Michael von Hausswolff, cet artiste suédois qui s’amuse des vibrations des oscilloscopes ou détourne les radars pour en faire du son. Et découvrir les réalisations entre art sonore et installations acoustiques du label Raster Noton, basé en ex-RDA, fusion des labels de Carsten Nicolai et d’Olaf Bender et Franck Bretschneider.

annick rivoire 

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écrit le < 07'07'07 >
Pierre Henry invité à Avignon : http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-781732,36-931330@51-931630,0.html