Le dernier numéro de la revue littéraire « Bordel » est entièrement consacré à Jean-Michel Basquiat, Stéphane Million Editeur, n°9, 15€.
Une des quatre Unes du dernier numéro de Bordel, dessinée par Jean-Charles de Castelbajac. © DR
< 07'11'08 >
Nouvelles de Basquiat, c’est le Bordel

Un « Bordel » comme on les aime : la revue des nouvelles et des formes inédites consacre son neuvième numéro à Jean-Michel Basquiat (1960-1988). Un Basquiat qui se serait fait muse plutôt que sujet de critiques d’art. D’ailleurs, « Bordel », rappelle qu’il est mort à 27 ans, « comme Jimi Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison, Tim Buckley, Kurt Cobain ». De quoi mettre en lumière, s’il le fallait encore, le statut d’icône pop de l’artiste graffiti parmi les plus importants des années 80. Au jeu de piste des mythologies, une trentaine d’auteurs français, plus Johnny Depp qui signe ici sa première parution, s’adonnent à l’interprétation-fiction, partiale ou poétique, de l’artiste américain au travers de nouvelles et saynètes. Peu ont croisé Basquiat, tous ont caressé la légende. La vérité, on s’en moque bien, puisque quand le copain Julian Schnabel tente de le jeu de l’hagiographie cinéma d’un supposé vrai « Basquiat » en 1996, il rate son film...

Jean-Charles de Castelbajac signe la couverture en quatre couleurs parfums : fraise, pistache, vanille, violette. Le ton est donné : ici on picorera avec le luxe du choix. Basquiat était « musique primitive et féroce », dit Johnny Depp que traduit Virginie Despentes… Grise aurait-il pu ajouter, comme cette époque no wave new-yorkaise entre noirceur et hédonisme brutal, « Gray » aussi comme ce groupe musical éphémère et culte animé par Basquiat et Jim Jarmusch. « Sur l’acrylique, Basquiat a mis son corps à nu ses rêves tordus, les rues de New York la nuit, après la pluie… » poétise Yves Simon.

Basquiat, clip et chanson par Yves Simon :



Helena Villovitch, elle, se fait maîtresse du peintre, lui lit des passages de « L’Amant de Lady Chatterley ». SAMO, la célèbre signature acronyme de Basquiat, pour « Same Old Shit », devient chez Louis Lanher la nouvelle télé désabusée « Samo »… ce à quoi le réalisateur belge Stephan Liberski répond par « Same New Shit » et promet d’en finir avec les Beatles. Jérôme Attal, auteur, musicien et parolier, démarre sur un postulat fabuleux : les pages manquantes du journal d’Andy Warhol réapparaissent sur la banquette arrière d’un taxi… Comme c’est à partir de 1983 que Basquiat vit les meilleures heures de ses fréquentations et collaborations avec l’artiste pop’art, Attal imagine un Basquiat inventant le SMS, présentant à Warhol sa nouvelle copine jeune mannequin « Naomie » dont il veut faire une « superstar ». Au cœur d’East Village à Manhattan, on croise évidemment du people futile, glamour, trash et chic, tel ce couple torride qui ne doit sa stabilité provisoire qu’à la haute fréquence de ses rapports sexuels (Sean Penn et Madonna). Entre autres aphorismes « à la Basquiat » : « L’art ça vaut tellement que ça vaut rien. » Voilà qui nous renvoie à la célèbre Une du « New York Times » en 1985 consacrée à Basquiat : « New art, new money : the marketing of an american artist ».

Andy Warhol et Jean-Michel Basquiat filmés en 1986, dans le cadre de la série documentaire State of the art réalisée pour Channel 4 en 1986 :



En 1988, Basquiat meurt emporté par une surdose d’héroïne. Bien plus tard, on retrouve de lui cette notule : « Depuis l’âge de dix-sept ans, je rêvais de devenir une star. Je songeais à tous mes héros, Charlie Parker, Jimi Hendrix… J’avais une image romantique de la célébrité. » La parution de ce numéro spécial de « Bordel » tombe à point pour notifier que le romantisme a bien gagné.

jean-philippe renoult 

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