Projet Game Over, Pong, Space Invaders et Pole Position, dans l’exposition Experimenta Playground, biennale internationale des média-arts, Melbourne, Australie, du 25/08 au 23/09, entrée libre.
Pong, dans le cadre de Pong.mythos, du 17/08 au 16/09 au Kornhausforum, à Bern, en Suisse.
Space Invader humanisé, arrêt sur image. © DR
< 30'08'07 >
Nous sommes tous des pixels d’antan

L’homme-pixel est né, un artiste suisse pas vraiment carré, plutôt barré même, l’a inventé. Trois vidéo-performances en témoignent, actuellement présentées à Melbourne au sein de la biennale nouveaux médias Experimenta Playground. Et, magie de la dématérialisation artistique aidant, l’une d’elles, Pong, est présentée en simultané à Bern, en Suisse, dans le cadre d’une exposition itinérante organisée par le Computerspiele Museum de Berlin (en bon français, le musée du jeu vidéo), sobrement intitulée Pong.mythos (Pong, le mythe). Guillaume Reymond, leur auteur, un artiste suisse, revisite les jeux d’arcade d’antan, les plus mythiques d’entre eux, précisément, en les faisant incarner par des individus attirés par la promesse de la performance collective. Inauguré en 2005, le projet Game Over est en apparence d’une simplicité ludique totale : des volontaires sont convoqués dans un théâtre, habillés de blanc ou de couleur, et invités à suivre un déplacement « selon ce qu’ils représentent comme pixel », indique l’artiste.

Ils étaient 7 en 2005 pour incarner Pong, le premier jeu de tennis de table vidéo (1972, Atari), 67 en 2006 pour s’amuser à Space Invaders (d’après l’original, paru en 1978 au Japon et aux Etats-Unis, chez Taito), et 49 figurants en février 2007 pour rejouer Pole Position, l’un des tout premiers jeux de poursuite en couleur (1982, Namco).

Collective, la performance est aussi un happening que Guillaume Reymond propose lors de festivals nouveaux médias, la vidéo finale, réalisée à partir des heures de captation des déplacements des figurants, n’étant qu’un petit bout de l’œuvre. « Ce qui est important pour ce projet n’est pas spécialement les vidéos-animations… car même si elles sont très accrocheuses en tant que telles, ce n’est que le résultat et non le cœur du projet », dit-il. L’important, c’est d’arriver à faire jouer « une vraie partie » : « Pas de scénario, les participants-pixels se voient en miroir sur un grand écran face à eux, ce qui leur permet de choisir leurs déplacements pour faire évoluer la partie… on se retrouve non pas avec un joueur qui décide de tout mais bien de 60 pixels qui vivent par eux-mêmes ».

Rétrogaming et nostalgiques des jeux d’antan ont déjà sévi, notamment à New-York en organisant des Pacman urbains, ou encore en créant des cartes d’invasion des vaisseaux pixellisés à l’échelle de villes (par le français Invader, qui creuse le sillon de son « reality game » depuis une dizaine d’années déjà et expose régulièrement son travail, comme cet été à l’espace de l’art concret à Mouans-Sartoux).

Ce qui distingue le travail de Guillaume Reymond, c’est le processus cyclique à l’œuvre, qui donne vie à un jeu vidéo désuet (le faisant passer du pixel informatique au pixel humain), puis le fige à nouveau à l’aide d’un travail de motion-capture (tournage et montage des plans traités comme dans les films d’animation), lui redonnant un aspect désuet. Une façon d’utiliser les nouvelles technologies pour faire du neuf avec du vieux. Le plus ? Les sons mimés à la voix qui rappellent sans les copier les premiers bips et splash électroniques. Sans oublier l’amélioration des dispositifs : la nuit en lampes de poche dans le circuit automobile, les couleurs dans Space Invaders.

Guillaume Reymond, graphiste, architecte, vidéaste, n’est pas précisément le collectionneur acharné qui tenterait de faire revivre le passé. Dans ce projet en cours (d’autres performances sont prévues), Reymond, 37 ans, a baigné dans le jeu vidéo (à 11 ans, il programmait lui-même ses jeux sur ses consoles ZXSpectrum et Commodore64). Fasciné par notre pop-culture mixant les jeux, les architectures, les dessins animés, les films et jusqu’à la biologie, cet architecte de formation se focalise sur le passage de l’image au mouvement : « J’essaie juste de créer des images/films avec des moyens simples et de manière ludique ».

On aimerait finir sur l’annonce de sa prochaine performance, dans un festival français par exemple. Mais si des contacts ont été noués avec quelques lieux emblématiques de la culture électronique en France, rien n’est encore fait… Alors quoi, les programmateurs, réveillez-vous, des armées d’envahisseurs potentiels sont prêts à jouer, ici aussi…

annick rivoire 

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