Le projet de loi Création et Internet est passé devant le Conseil des ministres mercredi 18 juin, Christine Albanel l’a défendu ensuite dans un exercice d’équilibriste plutôt bancal.
Christine Albanel présentait ce matin à la presse et au Conseil des ministres le projet de loi "Création et Internet". © DR
< 18'06'08 >
Loi anti-piratage : fliquer oui, mais avec pédagogie

Si la ministre de la Culture compte sur la presse pour faire œuvre de communication autour de son projet de loi « Création et Internet », présenté et validé ce matin 18 juin en Conseil de ministres, c’est assez mal parti : voir la Une de « Libération » du jour, « Les Flics du clic », qui commet un exercice de politique-fiction plutôt jouissif ou le titre de « L’Express », pourtant peu marqué à l’extrême-gauche, qui évoque « la prévention à coups de bâton » d’Albanel. Et malgré un numéro d’équilibriste devant un parterre de journalistes et un bon paquet des représentants des industries musicales et cinématographiques françaises après ledit Conseil, Christine Albanel n’a pas réussi à convaincre que son projet de loi instituant la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi pour les intimes) est plus « préventif » que « répressif ».

Que dit la future loi, qui pourrait entrer en vigueur dès début 2009 ? Que riposte graduée il y aura pour dissuader les internautes de pirater des fichiers, par l’instauration d’un envoi de courriers (un e-mail, une lettre en recommandé) menaçant de couper l’accès au Net de l’internaute repéré dans ses activités illégales. Et qu’à l’issue de cette riposte graduée, l’internaute pourra voir sa connexion suspendue de 1 à 3 mois s’il se repent (« tout est mis en œuvre pour apprécier les situations et que le dialogue soit ouvert », en langue ministérielle), et de 3 mois à un an sinon. En contrepartie, les industries culturelles s’engagent à améliorer l’offre légale (2 500 films et plusieurs millions de fichiers musicaux pour l’instant, selon la ministre, qui reconnaît une sorte de retard français en la matière) sur le calendrier et sur la forme (abandon des DRM, les verrous numériques).

Le projet de loi « Création et Internet » a pour « ambition de faire cesser l’hémorragie des œuvres culturelles sur Internet » (sans rire, c’est dans l’exposé des motifs). Christine Albanel, soutenue par Nicolas Sarkozy, se place dans la continuité historique d’une politique française qui a fondé le droit d’auteur (contre le copyright à l’américaine notamment). Une « approche française », dit-elle, qui servira sans doute de modèle à l’Europe puisqu’elle ambitionne une « restauration de l’équilibre entre les droits de chacun » : « le droit de propriété et le droit moral des créateurs, qui sont bafoués, et le droit au respect de la vie privée des internautes qui est aujourd’hui en pratique absolu ». Qui pourrait objectivement s’opposer à un tel principe ?

Alors pourquoi l’UFC-Que Choisir, parle-t-elle d’« un projet monstrueux conçu par les marchands de disques pour leur intérêt exclusif » ? « Imposer en 2008 la suspension de la connexion haut débit pour toute une famille alors qu’Internet est en passe de devenir un service universel, c’est à dire jugé essentiel au même titre que l’électricité, est une bourde monumentale », estime l’association de défense des consommateurs. Et pourquoi la ministre a-t-elle autant insisté sur la « pédagogie » du texte. Pourquoi s’est-elle défendue contre la « désinformation » et les critiques portant sur l’aspect « liberticide » du projet (l’Hadopi aurait, selon ses estimations, quelques milliers d’affaires à traiter chaque semaine, pour « un milliard d’actes de piratage sur l’année 2006 ») ? Pourquoi donc ses services ont-ils délivré à la presse un argumentaire détaillé des « cinq erreurs » commises sur la lecture du projet, en forme de défense plutôt maladroite ? Pourquoi la pétition lancée par le mensuel SVM lancée fin mai, a-t-elle recueilli 24 500 signataires (dont poptronics) ? Et pourquoi le Parlement européen a-t-il voté, le 10 avril, un amendement protestant contre la coupure de l’accès à l’Internet ?

annick rivoire 

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