Rencontres Internet mon amour : « Kit de survie dans un monde P2P », le 11/05 de 18h à 20h, dans le cadre du cycle Troisième Œil au Centre Pompidou, petite salle, place Georges Pompidou, Paris 4e (entrée libre).
Invités : Alain Prochiantz, neurobiologiste, Michel Bauwens, président de la Fondation pour les alternatives P2P, et Annie Abrahams, artiste.
Les échanges arachnéens d’une communauté peer to peer cartographiés par Gregory Bray. © Gregory Bray
< 10'05'08 >
La vie peer to peer, mode d’emploi

Peut-on comparer les réseaux et leur évolution avec celle du corps humain ? Y a-t-il à l’œuvre dans l’infrastructure même de l’Internet une place pour l’intelligence collective, cette utopie défendue dès 1993 par le philosophe français Pierre Lévy, et dont on peut voir les effets dans certains catégories du Web ? Exemple : le succès mondial de Wikipédia, qui passe aussi par la France, où, selon la dernière enquête Médiamétrie/Netratings, plus de 11 millions de visiteurs uniques ont consulté l’encyclopédie participative en mars, la plaçant à la douzième place des sites les plus visités (avant même Dailymotion ou la SNCF…).

Le développement des wikis et des échanges P2P (peer to peer, pair à pair ou point à point, soit les transferts de données informatiques d’un ordinateur à l’autre) symbolisent une mutation vers un modèle alternatif à l’élitisme culturel ou à l’économie de la rareté qui s’appuient sur la coopération et la mutualisation des connaissances et des informations. Autrement dit, une communauté citoyenne, parmi laquelle ne figurent pas que des experts et des chercheurs qualifiés, alimente une encyclopédie vivante (errements et erreurs compris) en inventant un modèle inédit de savoir non-hiérarchisé. Tous les wikis, ces outils de publication qui permettent l’échange et le partage de connaissances, sont-ils l’arbre qui cache une forêt étique ou au contraire un modèle qui tend à se déployer partout ?

A l’initiative d’une communauté d’artisans du réseau (dont poptronics), les rencontres Internet mon Amour, organisées dans le cadre de la programmation Troisième Œil du Centre Pompidou, plongent tête la première dans un débat passionnant ce dimanche, qui hybride pratiques sociologiques, scientifiques et artistiques. A 18h seront en effet confrontés Michel Bauwens, président de la Fondation pour les alternatives P2P, organisme qui diffuse les expériences sociales relevant du P2P, le neurobiologiste Alain Prochiantz, professeur au Collège de France qui a mis à jour certains phénomènes d’échanges intercellulaires (des échanges P2P biologiques ?), et Annie Abrahams, artiste versée dans les performances on et offline qui interroge la part organique des échanges virtuels.

Le titre de cette deuxième édition, « Kit de survie dans un monde P2P » énonce le fond du débat. Dans un monde qui pousse au-delà des limites les possibilités de contrôle à distance des territoires (de signes, d’objets ou d’hommes), et où ce ne sont plus les Etats ou les assemblées d’Etat mais des entreprises qui détiennent les informations les plus privées sur les citoyens (cf Google épinglé aux derniers Big Brother Awards), la crise d’identité secoue des individus de plus en plus méfiants (ceux qui rejettent les Etats, ceux qui se méfient des médias, ceux qui luttent contre la mondialisation des grands groupes…).

Y aurait-il une alternative pair à pair, et si oui, de qui à qui et d’où à où ? Les échanges a-centrés, c’est à dire qui ne passent pas par des nœuds centralisés, qu’ils s’appellent Google ou l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers, chargé de centraliser les adresses et noms de domaines de l’Internet), sont déjà à l’œuvre sur l’Internet aujourd’hui. « 80% des échanges sur les réseaux ne passent ni par le Web ni par le mail », explique Valentin Lacambre, fondateur du registrar Gandi et de l’hébergeur (à l’époque gratuit) Altern, aujourd’hui artisan d’Internet mon amour, « ce qui signifie qu’une majorité des échanges de données informatiques sont déjà P2P ». Après tout, quand Alain Prochiantz, titulaire de la chaire Processus morphogénétiques du Collège de France depuis 2007, a mis à jour que les échanges intercellulaires (homéogènes et homéoprotéines) ne passaient pas systématiquement par ce qui, dans le corps humain, s’apparente à un centre nerveux prépondérant, le cerveau, la vision pouvait pareillement déranger. La future version de l’Internet que préparent les ingénieurs (IPv6, le protocole d’échanges sur les réseaux), ne dessine-t-elle pas un cadre pour s’affranchir du centre physique ? Derrière ces questions apparemment techniques, le débat tourne politique. A suivre dimanche à Beaubourg, et en après-coup ici-même...

annick rivoire 

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