Présence électronique, 7e édition du festival de l’INA-GRM et Radio France, en coproduction avec le 104, du 25 au 27/03, Nef Curial et salle 400, 104, rue d’Aubervilliers, 75019 Paris, gratuit.

Interview de José Manuel Gonçalvès, directeur du 104, qui signe ses premières programmations avec Attraction (#1, #2 et bientôt 3).

Rare à Paris, Francisco Lopez sera ce samedi (à 16h) au 104, dans le cadre du toujours excellent Présences électronique, le festival électroacoustique du GRM. © DR
< 25'03'11 >
Gonçalvès : un nouveau 104 « éclectique et accueillant » jusqu’à Présences électronique

Des gens du quartier et d’autres qui ne sont jamais venus dans ce fin fond XIXème pas encore boboïsé. Des expos, des spectacles, des concerts, un manège et même un sauna à l’air libre… Du 104, le lieu culturel hybride qui n’avait cessé de susciter les critiques les plus virulentes (jusqu’au départ de ses deux co-directeurs Robert Cantarella et Frédéric Fisbach en novembre 2009), remontent depuis quelques mois de meilleures nouvelles. Le public se presse (ce qui n’était pas le cas avant), des propositions artistiques étonnantes se confrontent à ces anciennes pompes funèbres, que d’aucuns avaient (sans doute un peu hâtivement) enterrées : cabaret burlesque (les généreuses et drôles strip-teaseuses de « Tournée », le film de Mathieu Amalric palmé à Cannes), manège baroque géant (celui de Carré Sénart, dessiné par François Delarozière), expo-rétro Pierrick Sorin et « Labyrinthe » en carton ondulé de Pistoletto… Et puis, pour la deuxième année, le festival des musiques électroacoustiques Présences électronique s’y tient trois jours durant, en accès gratuit (dans la limite des places disponibles), jusqu’à dimanche. L’occasion pour poptronics de faire le point sur une forme de renaissance, avec le nouveau directeur de l’immense fabrique des arts du nord-est parisien, José-Manuel Gonçalvès.

Un peu de musique en préambule, puisque cette 7e édition du festival du GRM ne déroge pas à la (droite) ligne exigeante d’expérimentations électroniques qui a fait sa réputation. Impossible de mentionner toutes les œuvres qu’on (re)découvre dans l’espace acousmatique du 104 : saluons la naissance de la plateforme Artsonores d’archives en ligne nouvellement créée par le Groupe de recherche musicale de l’INA (INA/GRM). Cette timeline de soixante an d’art sonore est une mine de vidéos et de sons à creuser, comme cet entretien avec Luc Ferrari s’étonnant en 1960 de l’immédiateté du son « concret », ou cette introduction tellurique du concert de Pansonic donnée à ce même Présences électronique au printemps 2006…

En sélection 2011 de ces trois jours de GROS SON, toujours gratuit rappelons-le : l’Espagnol Francisco Lopez, dont les performances et dispositifs d’écoute s’appréhendent habituellement les yeux bandés et les oreilles baignées par ses nappes radicales et Eliane Radigue ou la rigueur « minimaliste » extrême, tant ses compositions réfèrent au bouddhisme et tendent vers un pur ascétisme mystique. Elle offrira la création « Re-sonante » interprétée au Serge Modular,, massif synthé vintage peu usité aujourd’hui. Le producteur protéiforme Jim O Rourke, après avoir vécu dans un ranch américain et été entre autres le « cinquième membre » de Sonic Youth, a décidé de ne plus quitter le Japon (la preuve ici !!!). C’est de là-bas qu’il adresse la pièce « What is cold is new again » qui se limitera volontairement, dit-il, à un nombre précis de sources sonores de piano, violoncelle et percussion. Le compositeur et directeur du GRM Christian Zanesi, spatialisera cette création.

Tête d’affiche japonaise manquante, en raison d’une actualité écologique qu’il n’est pas besoin de rappeler ici, Otomo Yoshiide est remplacé par le musicien norvégien Geir Jenssen, alias Biosphere. L’occasion de revoir ici le plus atmosphérique des créateurs techno ambiant de l’aube des 90’s dans sa composition la plus célèbre, « Novelty Waves », filmé par Gondry pour une indémodable publicité :

Si après ça, on garde de la musique norvégienne une idée toute climatique et disciplinée, on aura tout faux à l’écoute du probable grand chambardement sonore que proposera Supersilent. Derrière ce nom faussement rassurant se cache un trio de terroristes sonores ultimes, qui devrait achever le plateau de la programmation, samedi soir au 104.

Nul doute que José-Manuel Gonçalvès, nommé directeur du lieu en juin 2010, y sera. Interrogé fin février, l’ancien directeur de la Ferme du Buisson, défendait « très humblement » pour poptronics son tout premier bilan.

Avec « Attraction », une série de propositions (gratuites et payantes) lancées en décembre 2009, vous signez votre première programmation, qui mélange installations, pièces de théâtre et de danse, exposition… Quel premier bilan en tirez-vous ?

Le système n’est pas parfait, mais je peux expliquer comment il marche ! L’objectif, c’est de construire notre public, nous irons donc jusqu’à la fin 2011 avec « Attraction #3 ». Je commence tout juste à avoir une certaine expertise du lieu : le 104 n’est pas une salle de spectacles mais un lieu hybride. Depuis mon arrivée, j’anime trois réunions par semaine ne serait-ce que pour le planning… Je reçois plusieurs dizaines de dossiers par jour d’artistes. Je suis venu ici parce que c’est le lieu où je veux expérimenter d’autres relations au territoire et aux artistes, sans effets conceptuels, et sans programmation à l’année, donc… En matière de premier bilan, on a eu 90.000 spectateurs en décembre, soit l’équivalent de 90 soirées au théâtre de la Ville.

Comment comptez-vous les spectateurs, dans la mesure où tout n’est pas payant ?

Nous appliquons des méthodes éprouvées en sociologie (dont je viens) : nous articulons les programmes distribués à la main, les billets vendus (45%) et les agents qui utilisent un compte-file à l’entrée des spectacles.

L’ancienne équipe avait plutôt très mal négocié l’image donnée par la privatisation des espaces du 104. Comment comptez-vous procéder ?

La programmation du 104, avant, il n’y en avait pas quand il y avait privatisation : ce n’était même pas l’équipe du 104 qui accueillait les publics dans ces moments-là. Désormais, la location est réservée aux porteurs de projets dont on estime qu’ils ont un intérêt culturel. La privatisation doit faire avec notre programmation. Nous préférons parler de programmation associée et nous restons maîtres du protocole d’accueil. La privatisation touche seulement 45 jours sur l’année et 40% des projets commerciaux sont à valeur artistique augmentée. Le salon de la jeune création bénéficie ainsi de tarifs de location plus bas, les soirées « We love art » sont généralement de qualité, nous prévoyons de les accueillir si les organisateurs font payer l’entrée à moins de 40€. On accueille Présences électronique et sa programmation très pointue tout en proposant « l’Exposition » de Pierrick Sorin… Nous privilégions les approches éclectiques d’artistes qui viennent avec leur univers. Et on ne fait pas dans l’animation culturelle : on animera ce lieu si on le rend accueillant. C’est pour cette raison que j’ai fait installer des bancs côté Curial, qui transforment l’espace en sorte de square. Danseurs de hip-hop et étudiants du cours Florent y viennent manger un sandwich ou s’entraîner. Les amateurs ne sont pas oubliés, qui peuvent réserver une salle pour 2€.

On disait le 104 ingérable, énorme paquebot aux frais de fonctionnement mangeant l’ensemble du budget. Comment vous en sortez-vous ou plutôt, comment gérez-vous l’équation privé/public ?

Pour « Attraction », zéro action de RP, pas d’ateliers, pas d’affiches, un travail sur le Net, la presse qui nous suit. Les économies sur la communication sont de l’ordre d’un million d’euros sur l’année… Et puis, nous avons la billetterie : jusqu’à présent, nous refusons du public tous les soirs de spectacle ! Il y a aussi la solidarité avec d’autres lieux de diffusion culturelle à Paris, le théâtre de la Ville et le théâtre du Rond-Point, des lieux partenaires qui permettent d’amortir les coûts d’un plateau par exemple.
On fonde toujours l’idée qu’un lieu s’identifie parce qu’il aurait tel artiste en exclusivité. C’est pourtant la coopération entre différentes institutions qui permet de défendre une ligne artistique. Mais c’est aussi mon fort caractère qui m’a permis de faire partager la conviction qu’on pourrait voir certains artistes plus longtemps à Paris. Maguy Marin par exemple, avait déjà fait le plein au théâtre des Abbesses, les trois soirées au 104 en février avaient un public potentiel… Enfin, le mécénat vient compléter le tableau pour couvrir les frais d’installation. Pour « Attraction », des entreprises du quartier qui ont envie de le voir gagner en qualité de vie, Darty et la Française de logement, ont permis que les œuvres de l’exposition soient accessibles gratuitement.

Que pensez-vous du 104 aujourd’hui ?

Avec ses 39.000 mètres carrés, c’est un navire. Avec de petits canots de sauvetage, on construit une politique. Notre attention se porte aux artistes. Il y a nécessité d’inviter les artistes à se produire dans les meilleures conditions, quand les œuvres sont terminées, quand l’artiste est prêt à recevoir le public. L’ouverture des ateliers, donc, ne se fait qu’au moment de la diffusion. J’espère qu’on va fonctionner. En tout cas, on y bosse.

annick rivoire et jean-philippe renoult 

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