Embarquez avec poptronics à Turin, pour la visite de l’autre bijou architectural lié à l’automobile à Turin, la Fondation Merz, via Limone 24, Turin (Italie), qui expose « Contemporary Mythologies » de Matthew Barney, jusqu’au 11/01. Impressions d’archi...
La fondation Merz à Turin et sa suite mathématique lumineuse. Selon Merz, "les nombres qui se multiplient sont aussi réels que les animaux qui se reproduisent". © Marie Doerfler
< 27'11'08 >
Fondation Merz, l’autre archi post-industrielle à Turin

(Turin, envoyée spéciale)

Quand on évoque le passé industriel et automobile de Turin, le Lingotto ravit toujours la vedette. L’ancienne usine Fiat, imposant bâtiment des années 20 réaménagé par l’immense Renzo Piano à partir de 1985, avec sa piste d’essai tout au sommet, vaut assurément une visite. Mais il existe un autre exemple de reconversion d’un site industriel, certes moins connu et plus confidentiel mais tout aussi réussi, dans le quartier Borgo San Paolo, au nord-ouest du centre historique. Celui-ci appartient au patrimoine de l’autre constructeur automobile piémontais : Lancia. Il ne s’agit pas d’une ancienne usine mais d’une centrale thermique : au sol, on aperçoit encore les traces des deux citernes, dans une énorme fosse de béton brut.

Alors que Turin est sans doute en Italie la ville qui a le plus fait appel à un panel impressionnant d’architectes internationaux (outre Renzo Piano, Massimiliano Fuksas, Mario Bellini, Mario Botta, Norman Foster ou Jean Nouvel), ce bâtiment qui accueille depuis 2005 la fondation Merz, du nom de l’artiste-phare de l’Arte Povera Mario Merz (1925-2003), vaut bien qu’on s’y arrête. La centrale construite en 1936 a été rénovée par deux architectes italiens, Giovanni Fasciano et Cesare Roluti, pour abriter des espaces d’expositions temporaires (celle de Matthew Barney, en ce moment) et une bibliothèque.

L’extrême épure du lieu met le visiteur en état de réception totale. Sur les murs blancs de la façade et jusque dans les salles elles aussi immaculées, le regard glisse, libre de s’envoler haut avant de heurter le plafond. Il y a quelque chose d’infiniment sobre dans ces surfaces lactées, où se détache soudain un lézard gecko assez costaud qui semble vouloir défier la gravité. Mario Merz vouait une passion au reptile miniature. Celui-là évoque pourtant la présence troublante d’un danger tropical au beau milieu de la quiétude, crocodile goulu par exemple.

La salle la plus vaste, près de 1000 m2, permet à peu près tout. Des vidéos, des installations, des projections directement sur les murs qui rappellent des écrans. A condition que l’espace, si puissant, n’écrase pas ce qu’il est censé mettre en valeur. Pendant les expositions temporaires, les œuvres de Merz disparaissent dans les réserves. Dommage de priver ses igloos de verres, de branchages ou de terre d’un tel écrin. Le visiteur malchanceux n’a plus qu’à se rabattre sur le château de Rivoli, l’un des musées turinois d’art contemporain, qui fait la part belle à l’Arte povera.

A la fondation Merz, ses œuvres sont trop rares. Et cette absence laisse une impression de vide. Il faudra se contenter d’un néon accroché à l’une des façades, une suite mathématique de Fibonacci chère à Merz, série dans laquelle chaque nombre résulte de l’addition des deux précédents : 1, 1, 2, 3, 5, 8. Laissé sur sa faim, le visiteur n’en a que plus d’appétit. Il flâne dans ce lieu profondément apaisant. L’imagination prend le pas. Comme une invitation à fantasmer toutes sortes de manières d’utiliser un tel espace. L’inauguration de la fondation s’est faite en 2004 sans Mario Merz, décédé quelques mois plus tôt. Sa fille Béatrice est aujourd’hui à la tête de la fondation. Sans doute est-elle convaincue que l’immensité crée du désir.

marie doerfler 

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