Earth en concert ce soir, avec KTL et Sir Richard Bishop, à 19h au Nouveau Casino, 109, rue Oberkampf, Paris 11e, et le 16/02 à l’Autre Canal à Nancy (54).
Le rock puissant et « black americana » de Earth, ce soir au Nouveau Casino. © DR
< 15'02'08 >
Earth, du côté obscur de l’americana

Assister à un concert d’Earth implique un minimum d’abandon. Les repères sont brisés comme des flèches dans un film de John Ford, au loin l’horizon se fige, dans un brouillard de chaleur. Orgue martial, motifs de guitares en boucle, comme macérés puis recrachés en éclats, ambiance sépulcrale servie par une batterie lourde, le décor est planté, pour une immersion dans un territoire musical dont on a perdu la carte.

La musique de Dylan Carlson puise certes dans le métal mais c’est surtout du côté de l’americana la plus sombre qu’il faut se pencher pour bien la saisir, tant ces longues plages qui constituent « Bees Made Honey Ine Lions Skull », le 6e album (en presque 20 ans de carrière) qui sort ces jours-ci, s’inspirent de Cormac McCarthy (romancier qui détricote l’histoire officielle de l’Amérique des pionniers). Car l’ami Carlson est désormais un sage, qui cite volontiers Sisyphe comme modèle ou relit la Bible en pleine cure de désintox. Pas un hasard pour un musicien qui a tout vécu et a failli en mourir quinze fois, mais qui renaît toujours, comme Nick Cave, autre junkie notoire mais repenti.

Carlson a connu un semblant de gloriole au début des années 90, alors que le grunge balbutiait. A Seattle il partageait la cahute d’un certain Kurt Cobain, qui s’essaie au chant sur les premiers essais d’Earth (le EP « Extra Capsular Extraction »). Dylan Carlson est repéré illico par Sub Pop et s’en suivent rapidement quatre albums qui fondent la légende Earth et marquent toute une génération noise (qu’on retrouvera dix ans plus tard sur l’album de remixes « Legacy of Dissolution », avec Autechre, Sunn o))), Mogwai, Jim O’Rourke, tous fils putatifs de Carlson). « Earth 2 » (1992), le meilleur album de cette période, est devenu avec le temps le parangon du « drone metal », par ce son ample et lourd, joué le plus fortement et le plus lentement possible, comme du Melvins ou du Black Sabbath revisités.

Puis c’est le hiatus pendant dix ans, Carlson plonge dans la drogue et de mystérieux démêlés judiciaires, avant de revenir au monde et à la musique, métamorphosé. Se profilent alors une nouvelle carrière et une nouvelle manière d’envisager la musique, plus spirituelle, où on croise les silhouettes des héros de la musique américaine, tels le Neil Young expérimental de « Dead Man », Duane Eddy ou Bill Frisell (qui intervient sur le dernier album). Carlson présentera « Bees Made Honey... » devant une salle dévouée, venue aussi se noyer dans le métal bizarro de KTL, avec un membre de Sunn o))), et le picking sans façon de Sir Richard Bishop.

Cadeau pop’, « Omens And Portents 1 : The Driver », extrait de l’album « The Bees Made Honey In The Lion Skull » :

(merci à Doris@Southern Lord)

benoît hické 

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