La cinquième édition du RIAM, les rencontres des arts multimédia, s’est achevée ce week-end à Marseille (13). Compte-rendu.
eRikm a choisi une configuration proche de la musique électroacoustique pour un concert aux platines déconcertant. © D.Kovacic
< 11'02'08 >
Double ration de platines au RIAM

(Marseille, envoyé spécial)

Après les concerts de eRikm et DJ Sniff, qui ont mis haut le bras de la platine, le RIAM (du 1er au 9 février à Marseille), avec un M comme Multimédia aurait pu être renommé Rencontres internationales des arts Musicaux.

eRikm, l’un des meilleurs platinistes mondiaux, avait choisi pour « Variations opportunistes » une tangente plus abstraite et moins performative que ses habituelles manipulations de disques. Et il ne monte pas sur scène, préférant le fond de la salle, une configuration proche de la musique électroacoustique, pour cisailler à coups de glitchs intempestifs mais toujours très contrôlés, une courte phrase symphonique de Jean-Philippe Rameau, puis l’interpréter en polyphonies exponentielles. En clin d’œil à la gent multimédia, une microprojection en codes ASCII, sur un écran en forme d’œuf creux, épouse une trame sonore de lignes de code, psalmodiées par une voix digitale, qui s’emballe jusqu’au tournis. Le final est encore plus inattendu. Sur une composition férocement minimaliste, sorte de La Monte Young capturé dans les méandres numériques d’un patch Max MSP, un diaporama étrange, constitué de gros plans photographiques saisis dans un appartement au-delà du bordélique, tourne à vitesse régulière…



Le flux d’images, entre autres instantanés du désordre, montre un coffret CD des Legendary Pink Dots, un pot de yaourt défoncé, un sachet de soupe Miso express, des baskets dépareillées qui jamais ne croisèrent un chiffon de nettoyage. La première question que je pose à eRikm concerne non pas sa musique, mais ses fameuses photos. Est-ce sa chambre ? « Non », par contre l’identité du locataire reste secrète...

Paradoxalement, le funambule des platines ne s’est jamais senti autant en danger que sur ce nouveau type de configuration. Cette direction inédite, riche de promesses futures, laisse quand même un peu sur sa faim. C’est alors qu’eRikm introduit le concert de DJ Sniff (Takuro Mizuta Lippit), et avoue avoir pris une claque en l’écoutant. C’est donc sous son parrainage que le Japonais, quasi inconnu sous nos latitudes, prend les commandes. Son poste de pilotage, à la fois simple et complexe, comporte une platine vinyle (une seule), un ordinateur avec Max MSP et un système de réinjection des sons de la platine à la table de mixage, géré par un dispositif fait maison. DJ Sniff est aussi membre du Steim, centre d’art numérique et de recherche à Amsterdam, où il fabrique des dispositifs tel le Lupa, un système d’échantillonnage de la platine en temps réel et clef de voûte de son dispositif scénique. Les commandes de la mixette s’en trouvent modifiées : le cross fader, qui permet de switcher d’une source à une autre, impulse ici le départ des boucles et permet de faire varier leur durée.

Cet instrumentarium posé, l’art des manipulations sonores de DJ Sniff part d’une technique héritée du hip-hop. Il échafaude à la volée des boucles à partir de ses vinyles, qu’il construit et spatialise avec une dextérité inouïe. Voix de pub japonaise, tablas indiens, riffs de saxophone, jazz s’imbriquent avec un vrai et rarissime sens narratif. Si impressionnante soit-elle, la performance de Sniff n’est jamais démonstrative. Lorsqu’il s’empare de l’archiclassique break beat « Funky Drummer » de James Brown, il parvient à coller au mieux à la référence tout en la propulsant dans une sphère totalement inédite du DJing. Artiste-chercheur à suivre, donc.

Cette soirée sous les feux de platinistes innovants a constitué l’un des temps forts du RIAM. Trois jours plus tard, dans l’enceinte de la maison marseillaise de la Radio, un bastion de la musique concrète, un eRikm fulgurant viendra jouer avec égale élégance de l’hommage et de la subversion, à partir de matériaux historiques du GRM empruntés à Pierre Schaeffer, Bernard Parmegiani, et quelques autres.

En guise d’illustration sonore, eRikm lors d’une émission obscure de la télé tchèque en 2005...



Pour les curieux, le Lupa, dispositif pour turnablistes, expliqué (en anglais dans le texte) :

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jean-philippe renoult 

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