« Eau et gaz à tous les étages », 7e édition du festival Accès(s) : projections vidéo, installations, performances, concerts... avec la poésie comme fil conducteur du 6/12 au 10/12 à Pau et Billère (64).
Carte blanche à Joël Hubaut, grossiste en art et pape du « Pest-Moderne », jeudi 6/12. © DR
< 06'12'07 >
Cultures électroniques et poésie en libre Accès(s) à Pau

Pau avait bien besoin d’un festival à l’intitulé si clair, Accès(s), pour faire parler d’elle. La cité pyrénéenne se veut moderne et à l’avant-garde architecturale (n’a-t-elle pas commandé à la « starchitecte » Zaha Hadid une médiathèque pharaonique, avant de renoncer l’an passé ?), n’empêche que l’ambiance y reste plutôt provinciale. Sauf quand Accès(s) pointe le bout de son nez précisément, pour une petite poignée de journées d’expérimentations, où les lieux de la ville sont transformés ou changent d’affectation, où l’actualité des nouveaux médias résonne de concert en performance, d’installation vidéo en projection et atelier.

Lancé en 2000 par une petite poignée de camarades sortis des beaux-arts ou « émigrés » à Paris, Acces(s) invente chaque année un joyeux mélange de concerts pointus (les Zombie Zombie, dont poptronics a déjà dit du bien ou Stereo Total ce samedi), et d’installations arty brindezingues (cette année, une mention spéciale à Ivana Adaime Makac et ses Zophobas Morios, divagation vidéo autour des « zophobas morios, des larves de coléoptère originaires d’Amérique du Sud », une forme modernisée de nature morte). Et surtout met en avant des choix pas forcément « vendeurs » mais qui en font une vraie marque de fabrique. Cette édition donc, est consacrée à la poésie, plutôt sonore et conceptuelle ou performative, mais néanmoins la poésie (on en voit déjà qui baillent…). Là encore, se garder des clichés à la vie dure, de Joël Hubaut à Charles Pennequin, ce sont plutôt les grandes figures de cet underground littéraire (la poésie est déjà underground mais quand elle se fait sonore, alors…), qui sont invitées à nous étonner.

Exemple d’un poème autobiographique de Pennequin, « biodégradé » :

« charles pennequin n’existe pas il n’est pas là vous croyez le voir mais quand vous le voyez vous ne voyez pas charles pennequin pour voir charles pennequin il faut le croiser en dedans

charles pennequin n’a pas d’existence à proprement parler

il n’est pas réel comme on l’entend

on n’entend pas le mot réel de la même oreille que charles pennequin

charles pennequin pense qu’il n’y a pas plus réel que le poème dans lequel charles pennequin existe

il n’y a pas plus de réalité que dans le poème de charles pennequin

charles pennequin existe plus. d’ailleurs il a jamais existé. on a cru qu’il existait. on lui a fait croire. ou plutôt c’est lui qui y a cru. il a cru qu’on lui faisait croire. ou plutôt c’est maintenant qu’il le croit. il croit qu’on lui faisait croire. quand on le faisait exister. il voulait bien y croire. mais maintenant il y croit plus. maintenant qu’il existe plus. ou qu’on lui fait plus croire.

charles pennequin est vivant
absolument vivant

(c’est-à-dire dans la merde). »

Et puis, autre curiosité à découvrir, la mise en son et en scène du fameux discours radiophonique d’Artaud, « Pour en finir avec le jugement de Dieu », émission enregistrée par Antonin Artaud à Paris en novembre 1947 et aussitôt interdite d’antenne. Le compositeur Marc Chalosse, un musicien et un vidéaste s’en vont improviser autour de ce matériau, à base de samples, scratchs et boucles en temps réel enrichis de quelques bribes sonores synthétiques et de poèmes d’Artaud à l’image. On peut en entendre quelques menus extraits sur le site du compositeur et se faire une idée de ce « Remix Artaud » radical. Et pour couronner cette programmation impeccable d’audace artistique, le pianiste en quête du « Golden Sound », celui qui dans sa jeunesse a côtoyé les avant-gardes new-yorkaises, de Marc Rothko à John Cage, Charlemagne Palestine, au minimalisme hypnotique. Du grand cru, en somme.

annick rivoire 

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< 2 > commentaires
écrit le < 11'12'07 > par < nqmku3ocorc3kad 6nu jetable.com >
eh bah ! C’est alléchant à la lecture de cette notule. Mais s’agit-il d’un retour personnel ou bien d’une synthèse permise par un énième dossier presse ? La dithyrambe sonne mal, disons-le clairement ce festival est aujourd’hui d’une grande pauvreté. Cela sent les fonds de tiroirs et l’accrochage imprécis, cela sent le clinquant, le faussement provoc’ et désinvolte, cela n’est rien d’autre qu’une enfilade de lieux communs. Accès n’assume certainement pas sa vocation de festival de pointe.
écrit le < 11'12'07 > par < annick.rivoire zbL poptronics.fr >

Ce n’est pas un papier "en direct de Pau" (sinon on écrit : Pau, envoyé spécial). Ce n’est pas non plus totalement du 100% dossier de presse : Accè(s) n’a jamais été le festival de Cannes, n’a jamais eu non plus beaucoup d’argent ou d’énormes soutiens publics ou privés. N’empêche que ses choix en matière de programmation nouveaux médias sont plutôt couillus, je signe et persiste, parce qu’ils mélangent les genres (poésie et art contemporain), qu’ils proposent bien sûr de l’art "local’" dont nous n’avons pas vérifié la qualité mais qu’ils impliquent le meilleur de la poésie sonore aujourd’hui et tracent des voies pour les plus grosses manifestations.

Et puis, la qualité d’un programme n’a pas forcément à voir avec le budget de la manifestation, notamment en terme d’expérimental. J’ai personnellement vu beaucoup de grosses manifs totalement endormies sur des trucs qui "marchent" soi-disant et qui ne cherchaient jamais à tirer les gens vers d’autres directions. Maitenant, si vous êtes Palois et en direct du festival, envoyez-nous votre témoignage, on le publiera avec plaisir !