Projection de quatre films de Camille Henrot le 20/11 à 20h dans le cadre du cycle « Nouveaux territoires » au Centre Pompidou, place Georges Pompidou, Paris 4e, Cinéma 2 (4/6 euros).
« King Kong Addition », film spéculatif qui superpose les trois versions de « King Kong ». © Camille Henrot
< 20'11'08 >
Camille Henrot passe le cinéma à l’éprouvette

Au printemps, la projection des films de Camille Henrot (que poptronics recommandait vivement) avait été annulée pour cause de grève. La chose sera réparée ce soir avec un séance cinéma Nouveaux territoires au centre Pompidou. Et puis, l’artiste trentenaire fait l’objet d’une double actualité : son film à triple épaisseur « King Kong Addition » est également exposé jusqu’au 22/11 à la fondation Ricard dans le cadre de « La consistance du visible », qui fête les dix ans du prix de la Fondation (commissaire : Nicolas Bourriaud).

Le travail de Camille Henrot évoque la transparence et la soustraction. La jeune artiste trentenaire ne veut pas dissocier ses films de sa passion pour le cinéma, envisagé comme terrain de jeu et surtout comme geste. Interrogée par poptronics dans son atelier de Belleville, elle cite le cinéaste Philippe Garrel selon qui « la transparence d’un film est le premier critère d’évaluation ». L’antienne s’applique bien à l’esthétique mise en œuvre par cette ancienne des Arts Déco, qui parvient à réintroduire de la modernité et de l’épure dans le grattage de pellicule, domaine pourtant très balisé (Norman McLaren, Stan Brakhage, Maurice Lemaître).

Le cinéma n’est qu’une histoire de fantômes, c’est bien connu… A preuve l’un des « Room Movies » projetés ce soir, « Dying Living Woman », qui condense les vingt premières minutes de « La nuit des morts vivants » de Romero. Soucieuse de « questionner le spectaculaire et la relation ambiguë spectacle/spectateur et de rendre hommage au cinéma de genre », l’artiste embobine ici d’une laine griffonnée le personnage de Barbara, seul être humain survivant transformé en « archétype de fantôme ».

Dans « sCope », Camille Henrot transforme la bande-annonce d’« Ali Baba et les 40 voleurs », réalisé en Cinémascope, en un « film sadique qui se rétrécit », selon ses propres termes. Le film d’origine est réduit à un filet d’images, et la musique, à un chuintement désagréable. « Deep Inside », le dernier volet de cette trilogie de « films faits à la maison » (pour citer Noguez), fait lui le pari de « réinjecter de la sensualité et de l’émotion dans l’univers du cinéma X », plutôt habitué à réduire le sexe à sa mécanique. Sur un slow yéyé marmonné par Nicolas Ker (Poni Hoax), elle malaxe et recouvre de dessins un porno vintage anonyme et rougi par le temps. La profondeur d’un amour déçu mais aussi celle du regard apposé sur les corps en action.

Cette soirée sera enfin l’occasion de revoir « King Kong Addition », long métrage éprouvette dans lequel Camille Henrot superpose les trois « King Kong » (1933, 1976 et 2005) grâce à un travail de montage réfléchi et spéculatif (et au logiciel Flame !). Elle confronte ici le spectateur à ses propres limites face à ce « chaos illisible » totalement assumé (à la manière de Douglas Gordon ralentissant « Psychose »). Addition, soustraction, saturation, l’oeil perd ses repères et s’enfouit dans un film augmenté et irréel, à la fois très moderne et empli d’une infinie nostalgie.

benoît hické 

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