Deux bilans plutôt qu’un au festival Ars Electronica, la Mecque des nouveaux médias qui se tenait à Linz, en Autriche du 3 au 8 septembre. Deuxième partie : les stars et les bugs, en partenariat avec Arte.tv.
Geminoid HI-1r (au premier plan) et son concepteur, l’ingénieur japonais Hiroshi Ishiguro. © DR
< 16'09'09 >
Ars electronica festival, to be followed (2/2)

(Linz, envoyée spéciale)

La trentième édition d’Ars Electronica qui vient de s’achever a retrouvé la veine de la manifestation mastodonte qu’elle est (le festival 2008 était en retrait). Mais l’Ars a aussi son côté obscur : ses événements à grand spectacle plutôt creux (le spectacle son et lumières grandiloquent qui ouvre le festival pour les habitants de Linz, la coquille un peu vide de 80+1, pensée comme une réponse contemporaine au « tour du monde en 80 jours » de Jules Verne, avec les outils de communication d’aujourd’hui plutôt que le voyage d’antan), ses discours sur l’art, la science et la technologie qui manquent de subtilité ou d’esprit critique, l’effet vitrine pour les politiques locaux... Heureusement qu’Ars Electronica laisse ouvertes quelques brèches pour regarder le futur, en mixant projets excitants et théma bien choisie (« Human Nature »).

Le nouveau Ars Electronica Center, l’ex-« musée du futur », est un lieu plus grand (6500 m2) qui continue d’accueillir des œuvres mais se veut plus généralement un laboratoire au service de l’art, des sciences et des technologies. D’où la forte présence d’artefacts numériques, mi-œuvres, mi-dispositifs scientifico-pédagogiques. On y rencontre instruments de musiques exubérants et flashy, sculptures cinétiques et robots en tous genres, sans oublier une série de laboratoires pour comprendre les enjeux des sciences et des technologies, à l’instar du FabLab, un laboratoire pour construire ses propres objets à partir d’imprimantes 3D.

La présence dans ce lieu du Geminoid HI-1 du professeur Hiroshi Ishiguro a été l’un des points forts du festival. Ce fascinant robot-jumeau du scientifique et ingénieur japonais était entouré de visiteurs qui dialoguaient avec lui, alors qu’il était piloté à distance par d’autres visiteurs. Comment appréhender ce qu’est l’humain ? Pour répondre à cette question, son créateur et ingénieur cherche à donner une présence humaine aux robots qu’il imagine. Avant le Géminoid, il a mis au point un robot-enfant largement inspiré de sa fille ainsi qu’une androïde qui n’est pas sans rappeler son épouse. Intervenant au colloque sur la nature humaine et sa réinvention, Hiroshi Ishiguro estime que nous allons vers une société robotique, où les robots sont là pour rendre service aux humains, par exemple pour assister les personnes âgées comme Paro, autre « star » avec le Geminoid du documentaire « Mechanical Love » (2008). Autre moment fort, quand Hiroshi Ishiguro a dialogué avec le théoricien des médias Friedrich Kittler, dont la présentation retraçait l’historique de l’automation, des mythes grecs au jouet préféré de Claude Shannon, le mathématicien et ingénieur à la base de la théorie de l’information. Soit une boîte noire qui, lorsqu’on appuie sur son bouton pour la faire démarrer, s’éteignait elle-même en faisait sortir une main qui appuyait à nouveau sur le bouton.

Geminoid, le robot humanoïde du professeur Hiroshi Ishiguro :

Autre « star » du symposium, Eduardo Kac, gagnant du prix Hybrid Art cette année avec son plantimal Edunia, une variété de pétunia rose vif qu’il a créée avec les scientifiques Neil Olszewski et Neil Anderson. Un pétunia standard hybridé de son propre sang. Pour l’artiste, les nervures rouges du pétunia sont une représentation de ses veines (même si la protéine est transparente), qu’il oppose aux pétales roses comme sa peau. Ce nouveau « monstre » mi-plante, mi-animal, n’a cependant pas pu arriver à temps pour le festival, pour de bêtes questions de douanes (Edunia était exposée aux Etats-Unis où elle est considérée comme un médicament aux plus longs délais d’exportation). Dommage. On aurait préféré observer le pétunia transformé par Kac plutôt que ses lithographies et autres produits dérivés. En réponse à cette présentation artistique, le généticien autrichien Josef Penninger, qui partageait la même table ronde, n’a pas pu s’empêcher d’affirmer que lui créait de nouvelles espèces tous les jours dans son labo...

Côté performances, le Lentos Museum, tout près du centre névralgique du festival, était le cadre de l’épatante performance de l’opéra Nabaz’mob, qui pose autrement la question des rapports entre robots et humains. C’est aussi dans ce cadre qu’est présentée, jusqu’au 10 janvier prochain, une très belle exposition sur le son dans l’art. Intitulée « See This Sound », elle propose un large panorama des relations entre image et son, mêlant pièces historiques et œuvres contemporaines. C’est également une archive en ligne (pour l’instant principalement en allemand) conçue par le centre de recherche Ludwig Boltzmann Institute Media.Art.Research. Une mine.

anne laforet 

votre email :

email du destinataire :

message :